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La « petite Rose » et ses épines
La « petite Rose » et ses épines

La Presse

time03-08-2025

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La « petite Rose » et ses épines

Ursula von der Leyen a eu une dure semaine. La présidente de la Commission européenne, que le magazine Forbes a nommée femme la plus puissante du monde trois années de suite, a eu l'air d'une souris intimidée par Donald Trump lors de la « plus grande négociation commerciale jamais vue ». En conférence de presse avant ladite négociation, celle qui représentait le marché européen, ses 450 millions d'habitants et une économie combinée de 1800 milliards annuellement s'est tenue tranquille sur une chaise pendant que le président américain, bien à l'aise dans son propre club de golf en Écosse, affirmait qu'il était de mauvaise humeur, déblatérait sur les éoliennes « qui tuent des oiseaux » et accusait l'Europe d'avoir traité les États-Unis injustement. « Je crois que le président a raison de dire qu'il y a 50 % de chances qu'il y ait une entente. Et nous sommes ici pour parler d'équité. L'Europe a un surplus commercial avec les États-Unis », a-t-elle dit, lors d'une rare phrase qu'elle a pu prononcer, se pliant à la logique trumpienne selon laquelle les surplus commerciaux sont des péchés capitaux. Environ une heure plus tard, on apprenait que les deux dirigeants avaient conclu une entente. L'Europe a accepté de se voir imposer des droits de douane de 15 %, d'investir des centaines de milliards dans l'énergie et l'industrie américaine en échange de, euh, pas grand-chose. Une exemption de quelques secteurs, dont l'aviation et les produits pharmaceutiques. Peut-être. Depuis, des politiciens demandent la tête de celle qui tient les rênes de l'organe exécutif de l'Union européenne depuis 2019. Le président français, qui l'a aidée dans son ascension à la tête de la Commission, n'est pas impressionné. Idem pour Friedrich Merz, le chancelier allemand, qui est pourtant issu du même parti que Mme von der Leyen. Les mots « soumission », « vassalisation » et « capitulation » fusent de partout. Une très mauvaise semaine, donc. Mais s'il y a une chose qu'Ursula von der Leyen a démontrée au cours de son parcours, c'est qu'elle a le don de rebondir ou de tirer profit d'une expérience difficile. Née en 1958 à Bruxelles, l'Allemande est tombée dans la marmite de l'Union européenne quand elle était petite. Son père, Ernst Albrecht, a été l'un des premiers hauts fonctionnaires au sein des institutions européennes. En 1971, il est retourné avec sa famille en Allemagne, où il est vite devenu un politicien en vue. Ça n'a pas été de tout repos pour la jeune Ursula. Selon la police allemande, un groupe terroriste d'extrême gauche, la Fraction armée rouge (RAF), avait planifié de l'enlever pour faire pression sur son père. En 1978, pour sa protection, elle a été envoyée en Grande-Bretagne, où elle a dû changer d'identité. Son surnom d'enfance, Röschen, qui signifie petite rose, a inspiré son prénom d'emprunt, Rose. Au lieu de se faner, l'étudiante de 20 ans a profité de sa vie à Londres, qu'elle décrit comme un « grand moment de liberté ». Après une année d'études à la London School of Economics, elle est rentrée en Allemagne, où, sous la surveillance de la police secrète, elle a étudié la médecine. Mère de sept enfants, épouse de l'un des héritiers d'une richissime famille productrice de soie, Ursula von der Leyen était au début de la quarantaine quand elle a quitté la pratique médicale pour devenir politicienne. Son ascension a été fulgurante. D'abord nommée ministre de la Famille en 2005, elle a fait partie du cabinet d'Angela Merkel pendant toutes les années de cette dernière au pouvoir. En 2013, elle a brisé un plafond de verre en devenant la première femme ministre de la Défense de son pays. Un de ses faits d'armes au cours de sa carrière politique allemande aura été de faciliter la conciliation travail-famille, notamment en ouvrant un réseau de garderies, y compris au sein de l'armée, et en offrant un congé parental plus généreux aux hommes. Des mesures résolument progressistes, malgré le conservatisme de son parti. « On n'a pas besoin de pomper de la testostérone pour avoir du succès en politique, a-t-elle dit dans une entrevue sur son style de leadership. Quand on est jeune, on peut être impressionné par ceux qui élèvent la voix ou mettent le poing sur la table, mais avec les années, on réalise que c'est insignifiant. » L'approche de la rose. En 2019, beaucoup s'attendaient à ce qu'Ursula von der Leyen prenne la relève d'Angela Merkel à la tête de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), mais elle s'est fait dépasser par la droite par un autre candidat. C'est alors que sa mentore et le président français ont facilité son ascension jusqu'à la tête de la Commission européenne. Ayant eu à piloter cet immense bateau dans les eaux troubles de la pandémie, puis de l'invasion russe de l'Ukraine, la capitaine von der Leyen y a graduellement imposé sa manière de faire, tassant les voix dissidentes. Mais elle ne reçoit pas que des fleurs. Beaucoup se méfient maintenant de ses épines. « Il y a beaucoup de critiques sur son leadership. Elle a tendance à avoir un style plus présidentiel que collégial, plus habituel à la Commission », note Laurent Borzillo, chercheur invité au Centre canadien d'études allemandes et européennes de l'Université de Montréal. D'ailleurs, le mois dernier, elle a survécu à une motion de censure du Parlement européen liée à sa gestion extrêmement centralisatrice. Cependant, elle pourrait de nouveau avoir à répondre de ses actes devant les élus européens après la négociation controversée avec Donald Trump, dans laquelle elle s'est donné le rôle central. Et c'est là que le Canada entre en ligne de compte. La leader européenne, qui, dit-on, avait des atomes crochus avec Justin Trudeau, se tournera-t-elle vers le successeur de ce dernier à Ottawa ? Au moment où elle a besoin de montrer une certaine indépendance à l'égard de l'administration américaine, en faisant progresser le dossier de la défense européenne, mais sans rompre le lien transatlantique, Ursula von der Leyen pourrait facilement voir en Mark Carney un ami providentiel.

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